Floozman: épisode initial
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Table des matières |
| 10e partie : Dans les catacombes secrètes |
« Avec une abondance scandaleuse, il apporte la délivrance. »
Fred Looseman a été l’évaluateur en chef de risques au Crédit Mondial ainsi que le président de la Commission pour la répression du blanchiment des capitaux. À présent, son travail consiste à réparer les guichets automatiques de banque.
Parfois il entend des voix qui l’émeuvent au point de pleurer. Comme son compte en banque déborde de l’argent de la délivrance, c’est à de tels moments qu’il se transforme en super-héros de la finance : Floozman.
Au même instant, dans les catacombes secrètes du château d’Ortenberg, au cœur du piton qui domine la plaine de Scherwiller, des ingénieurs de Phobos s’activent autour d’un énorme sarcophage métallique. Les altermondialistes qui ont pu pénétrer dans la large salle font cercle autour de la scène. Une douzaine de nains sont ligotés dans un coin.
Le vieux consultant, oublié de tous, tourne en rond en guettant le moment favorable pour approcher Jenny Appleseed. La vieille femme de chambre observe des gravures sur les parois. Il lui semble deviner dans un motif répété des trompes et un utérus immergés mais elle ne fait pas confiance à sa vue. Elle cherche pourtant à déchiffrer les textes en vieux patois Alsacien.
« Voilà, dit le fantôme à Jenny Appleseed. C’est dans ce réseau incroyablement complexe que les partisans ont caché leur trésor après la bataille : les souterrains du château, de nouvelles galeries creusées par les brigands, des catacombes aménagées pour les morts de la bataille, d’anciennes mines de fer et des tunnels plus anciens, sans parler des cavernes naturelles... Il nous faudra du temps pour tout retrouver. A ce propos, je vous rappelle notre accord : cinquante-cinquante, en valeur de marché. »
Jenny essaie de prendre la mesure de la situation. Elle doit aller à l’essentiel. La police ne peut pas être très loin. Elle laisse temporairement de côté la question du spectre et tous les phénomènes inexplicables. Elle laisse temporairement de côté le reste du trésor dont elle n’a plus vraiment besoin. Elle se concentre sur la momie.
Mais peut-elle vraiment faire confiance à Phobos ? Quelle sorte de vision peuvent bien avoir ces hommes de la technique? Ne serait-elle pas fondée à prendre le contrôle des opérations ? En arrière-plan de sa pensée, un calcul fait des projections à cinq siècles. Jenny Appleseed est le seul être humain à faire des projections valides à cinq siècles. Mais est-elle encore humaine ?
« Bien sûr, Phobos s’occupe de tout. Avons-nous une carte complète? »
« Non Madame, seulement le tracé des galeries qui mènent à cette crypte et le résultat de sondages partiels. Ce réseau s’étend peut-être sur des dizaines de kilomètres, à plusieurs dizaines de mètres de profondeur. Si vous descendez, vous sentirez certainement la chaleur... avec votre corps. » poursuit le fantôme, rêveur...
Le petit homme au manteau de latex les rejoint. « Nous ne parvenons pas à desceller le sarcophage. Il semble pris dans un mécanisme grippé. Mais je peux vous dire qu’il y a bien un corps humain à l’intérieur, dans un cylindre de cristal ! »
« Bon travail, Schtroumpf. Dites-moi, dans quel état est le corps ? »
« En parfait état ! C’est incroyable, on dirait qu’il est vivant. »
« Il nous le faut ! Cette technologie peut faire gagner des siècles de recherche à Cosmitics. »
Pendant ce temps, penchés en avant, Gina et Steven s’approchent furtivement. Les voilà dissimulés à l’arrière d’une armoire électrique.
« Vous n’avez pas chaud Gina ? » murmure Steven que l’action émeut considérablement.
« Taisez-vous. Pas maintenant ! Nous devons attendre la police. Que font-ils ? »
La vieille femme de chambre se tient toujours au même endroit. Elle passe ses doigts sur les gravures humides. Elle connait ce texte. Sa grand-mère le lui disait, pour rien ou lorsqu’elle voulait lui faire un peu peur, le soir à la campagne. Elle le dit à mi-voix :
Momie de louve !
Fonds défoncés, argent désargenté
Profits perdus, alphas abêtis
Armées désarmées,
Echéances déchues,
Momie de chatte !
Bons maudits, actions inertes
Par toi la vie de vérité !
Les ingénieurs essaient l’acide: Pschhhhhhhhhhchshchshchshchs.
Une âcre fumée se colle au plafond de la salle. On tousse. Le sarcophage ne bouge pas.
« Peut-être devrions nous organiser la sécurité du site » glisse le vieux consultant à Jenny. « Je connais les normes et les procédures gestion de crise, si vous voulez, je peux... »
« Tais-toi ! »
Les ingénieurs essaient les vibrations à basse fréquence: bouz bouz bouz bouz bouz bouz bouz bouz.
Chacun sent dans ses os le choc des ondes. L’armoire électrique vacille. Soutenue par cette scansion, la vieille femme de chambre poursuit à haute voix.
Momie de louve !
Fonds défoncés, argent désargenté
Profits perdus, bourses déboursées
Armées désarmées,
Echéances déchues,
Momie de chatte !
Bons maudits, actions inertes
Par toi la vie de vérité !
Alors dans un craquement épouvantable, l’énorme bloc de métal se détache du mur en libérant un torrent d’eau boueuse. Il tombe lourdement sur le sol, aussitôt entrainé par la trombe vers une trappe béante qui n’était pas là l’instant d’avant. Incrédule et muette, l’assistance le voit lentement basculer et disparaître dans les profondeurs de la terre.
Le vieux consultant récite : je suis [dans les catacombes secrètes de Scherwiller, sous le château d’Ortenberg] ; je vois [l’eau envahir les galeries] ; je demande [des secours].
L’armoire électrique, déséquilibrée par la nappe d’eau qui se répand rapidement sur sol, s’effondre en dévoilant dans une gerbe d’étincelles bleutées, la présence des deux policiers enlacés.
« Que personne ne bouge. Vous êtes en état d’arrestation ! » lance Gina en braquant son révolver dans toutes les directions.
La lumière s’éteint, revient, puis cède la place à une obscurité totale traversée de cris.
Munis de lunettes infra-rouges, les ingénieurs de Phobos évacuent Jenny vers la trappe où le Sarcophage a disparu. Avec elle ils emmènent Schtroumpf et dans le doute, le vieux consultant qui ne l’a pas quittée d’un pouce.
Le fantôme diffuse maintenant une lueur spectrale. Chaque poil de sa barbe de gloire est comme une fibre de verre conduisant une lumière irisée.
« Suivez-moi ! » ordonne-t-il à l’assistance en indiquant la direction de la mystérieuse ouverture. « Nous sommes dans une situation révolutionnaire ! Pour mille ans la propriété collective du royaume sur terre ! Cette voie est celle que les combattants de la libération ont préparée pour nous! Ayez confiance. »
« Je reste. Je me rendrai à la Police. Je suis trop vieille » dit la femme de chambre. Le fantôme l’embrasse et lui laisse un peu de son corps de gloire à agiter comme un drapeau blanc.
« Tu as bien travaillé pour la révolution. Nous reviendrons te libérer, sœur ! »
« Stop ! » Fait Jenny au moment de s’engager dans la descente « Allez vite chercher un nain, sans vous faire descendre. »
Gina et Steven continuent de tirer des coups de feu dans le noir.
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Bertrand Cayzac
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